Communiqué de presse : Bételgeuse, une supergéante bouillonnante et magnétique !

Une équipe internationale d’astrophysiciens(*), dirigée par des chercheurs de l’Observatoire Midi-Pyrénées, a détecté un champ magnétique à la surface de l’étoile supergéante Bételgeuse.

Une observation, publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics, qui nous démontre que, malgré les modèles théoriques généralement proposés pour expliquer le magnétisme d’objets astrophysiques comme la Terre ou le Soleil, la rotation des astres sur eux-mêmes n’est pas un ingrédient nécessaire à la génération efficace d’un champ magnétique.

Le télescope Bernard Lyot, à l’Observatoire du Pic du Midi (crédits : Pascal Petit)

Selon un scénario proposé voici plus d’un demi-siècle, c’est par leur mouvement de rotation sur elles-mêmes que les étoiles comme le Soleil créent de gigantesques mouvements de matière ionisée dans leurs couches internes.

Ces courants de matière déclenchent un mécanisme de dynamo qui régénère en permanence leur champ magnétique.

Ce modèle théorique, dit de « dynamo à grande échelle », est le plus souvent cité pour rendre compte du cycle d’activité magnétique de notre étoile, qui se manifeste de façon spectaculaire lors de ses phases éruptives.

Pourtant, même lorsque le Soleil s’offre un répit passager dans son feu d’artifice magnétique, comme pendant la période de minimum d’activité inhabituellement longue dont il vient de sortir, il ne se dépare jamais totalement de son champ magnétique de surface.

Or, l’origine physique de ce magnétisme résiduel, qui ne semble pas être affectée par les sautes d’humeur du Soleil, reste à ce jour une question controversée.

La clé de l’énigme se trouve peut-être dans les étoiles supergéantes, dont Bételgeuse est un des membres les plus connus.

Avec un diamètre environ mille fois plus important que celui du Soleil et une luminosité près de 100 000 fois plus élevée, pour quinze fois la masse de notre étoile, Bételgeuse est un astre en fin de vie, qui brûle les dernières réserves de son combustible nucléaire avant d’exploser en supernova.

Mais Bételgeuse présente aussi une autre différence importante avec le Soleil : sa rotation est extrêmement lente.

Il lui faut probablement plusieurs années pour effectuer un tour sur elle-même, contre à peine un mois pour le Soleil : une situation qui semble donc défavorable à la mise en place d’une dynamo à grande échelle.

Modèle de l’enveloppe convective de Bételgeuse (crédits : MPA/GRAAL/LESIA)

Et pourtant, les observations réalisées avec l’instrument NARVAL du Télescope Bernard Lyot de 2 m (Observatoire Midi-Pyrénées ; INSU) au sommet du Pic du Midi ont mis en évidence un faible niveau de polarisation dans la lumière émise par Bételgeuse, un indice observationnel trahissant la présence d’un faible champ magnétique à sa surface.

Bételgeuse nous démontre donc qu’il n’est pas nécessaire à une étoile de tournoyer follement pour devenir magnétique.

En fait, les supergéantes ont une autre corde à leur arc : d’intenses mouvements de convection, analogues à un bouillonnement permanent, leur permettent d’évacuer l’énorme quantité de chaleur produite en leur cœur par les réactions nucléaires.

Les observations réalisées au Pic du Midi suggèrent que cette agitation continue est capable, à elle seule, de générer le magnétisme de l’étoile, à travers des mécanismes de « dynamo à petite échelle » (opérant sur des dimensions du même ordre de grandeur que les panaches convectifs).

Or, le Soleil abrite lui aussi des mouvements turbulents dans ses couches externes, et pourrait donc être le siège d’un mécanisme semblable, qui expliquerait au moins en partie son magnétisme résiduel lors de ses phases d’accalmie.

Mais la détection du champ magnétique de Bételgeuse est précieuse à plus d’un titre.

Les étoiles massives en fin de vie, comme la supergéante Bételgeuse, contribuent en effet à enrichir notre Galaxie en éléments chimiques lourds, par l’expulsion d’un fort vent constitué de particules ionisées.

Or, les modèles théoriques actuels peinent à expliquer la remarquable efficacité avec laquelle les supergéantes éjectent ce vent brûlant pendant les phases ultimes de leur existence. Ici encore, la solution tient peut-être dans la présence du champ magnétique et dans sa capacité à accélérer les particules chargées.

Bouillonnantes et magnétiques, les supergéantes se révèlent donc de parfaits laboratoires cosmiques pour tester les théories les plus récentes de création des champs magnétiques dans l’Univers !

Contact :

  • Dr Pascal Petit, LATT-OMP, Tél : +33 5 61 33 28 28, e-mail : petit@ast.obs-mip.fr
  • Dr Guy Perrin, LESIA, e-mail : guy.perrin@obspm.fr

Voir egalement :

(*) Font partie ce cette équipe :

  • · M. Aurière, J.-F. Donati, P. Petit, T. Roudier. Laboratoire d’Astrophysique de Toulouse-Tarbes (LATT ; CNRS, Université Paul Sabatier, Observatoire Midi-Pyrénées/INSU) ;
  • · R. Konstantinova-Antova. , Institute of Astronomy, Bulgarian Academy of Sciences, et Laboratoire d’Astrophysique de Toulouse-Tarbes (LATT ; CNRS, Université Paul Sabatier, Observatoire Midi-Pyrénées/INSU) ;
  • · G. Perrin. Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA ; Observatoire de Paris, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot)

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