La naissance du coeur convectif d’une étoile modifie son champ magnétique
Après sa naissance, une jeune étoile massive, comme les astres de plus faibles masses, est tout d’abord complètement convective. Comme dans l’eau qui bout, des mouvements de matière à grande échelle dans l’étoile permettent alors d’évacuer l’énergie vers l’extérieur de l’étoile (Etape 1). De ce fait, à partir d’un flux magnétique initial, l’étoile génère un champ magnétique par le mouvement des charges électriques, par un mécanisme dit « dynamo ». Puis, par la suite, il se forme un cœur stable dit radiatif où la convection est absente, et l’énergie est évacuée par le rayonnement de l’étoile uniquement (Etape 2). Ce cœur radiatif grandit jusqu’à ce que l’enveloppe convective extérieure ait complètement disparue (Etape 3). Le champ magnétique, généré dans les régions initialement convectives, se transforme alors, à mesure de leur conversion en zones radiatives, en un champ magnétique dit fossile stable et généralement dipolaire, c’est à dire présentant deux pôles comme le champ terrestre.
Enfin, lorsque l’étoile est sur le point d’atteindre la « séquence principale » où elle passera l’essentiel de sa vie, elle établit un régime stable dans lequel l’hydrogène est converti en hélium par les réactions thermonucléaires et un cœur convectif se crée à nouveau en son centre du fait du caractère fortement exothermique des réactions nucléaires qui y prennent place (Etape 4). L’apparition d’un champ magnétique dynamo généré dans cette région centrale convective peut alors perturber la configuration initiale et se traduire par un basculement du champ magnétique initial.
Étapes de l’évolution d’une jeune étoile massive : Dans un diagramme température-luminosité (diagramme de Hertzprung-Russell), pour chaque étape, la structure de l’étoile et le type de champ magnétique associé sont schématisés. L’étoile étudiée, HD190073, se situe à la transition entre les étapes 3 et 4.
Les premières observations de l’étoile HD190073 obtenues au Télescope Canada-France-Hawaii (CFHT) à Hawaii (USA), entre 2004 et 2009 ont montré qu’elle possèdait un champ magnétique dipolaire et stable sur cette période, en accord avec la théorie du champ fossile dans les étoiles massives. La surprise est arrivée en 2011 et 2012, lorsque cette étoile est observée une nouvelle fois dans le cadre des larges programmes d’observation MiMeS 1 au CFHT, au Télescope Bernard Lyot (TBL) au Pic du Midi (France) et à l’Observatoire Européen Austral ESO. Le variation observée du champ magnétique de surface semble alors indiquer que l’axe du champ magnétique s’est déplacé. Son axe n’est plus confondu avec l’axe de rotation de l’étoile, mais incliné, causant une variation périodique du champ observé. Selon les chercheurs, ce changement ne peut s’interpréter que par la perturbation apportée par l’apparition du champ dynamo produit par le coeur convectif de l’étoile en formation.
En effet, selon des simulations numériques récentes 2, le champ magnétique dynamo généré dans le cœur convectif des étoiles massives et de masses intermédiaires se couple avec le champ magnétique fossile de leur enveloppe radiative. Ce couplage a lieu à la frontière entre le cœur et l’enveloppe, et entraîne un changement d’orientation de l’axe du champ fossile. Pour la première fois, cette transition semble avoir été observée dans une étoile, l’étoile HD 190073.
Note(s):
- MiMeS (pour Magnetism in Massive Stars) est un projet international mené par la France et le Canada pour étudier le magnétisme des étoiles massives, notamment grâce à trois grands programmes d’observations et des développements théoriques.
- Effects of Fossil Magnetic Fields on Convective Core Dynamos in A-type Stars, Featherstone, N., Browning, M., Brun, A., Toomre J., The Astrophysical Journal, Volume 705, Issue 1, pp. 1000-1018 (2009).
Source(s):
The dramatic change of the fossil magnetic field of HD 190073 : evidence of the birth of the convective core in a Herbig star ?, E. Alecian, C. Neiner, S. Mathis, C. Catala, O. Kochukhov, J. Landstreet, the MiMeS collaboration, Astronomy & Astrophysics, vol. 549, L8.
Contact(s):
- Evelyne Alecian, LESIA (Observatoire de Paris/CNRS/Université Paris Diderot/UPMC)
evelyne.alecian@obspm.fr, 01 45 07 77 01 - Coralie Neiner, LESIA (Observatoire de Paris/CNRS/Université Paris Diderot/UPMC)
Coralie.Neiner@obspm.fr, 01 45 07 77 01
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